Ces mercredi 14 et jeudi 15 juillet, une dépression est restée quasi stationnaire sur l'Allemagne, occasionnant d'énormes quantités de précipitations sur la partie est de la Belgique.
Une zone d'air humide et instable s'est enroulée autour de ce centre dépressionnaire et était alimentée par des remontées d'air chaud sur le centre et l'est de l'Europe (où se développaient d'ailleurs des foyers orageux). Cette structure a ensuite atteint la moitié est de notre pays via l'Allemagne et les Pays-Bas, sous forme d'une "occlusion" (bande d'air doux/humide prise en étau entre de l'air plus frais/sec). Outre son contenu en air humide et - à l'origine - assez chaud, cette perturbation a aussi été rendue active par une dynamique d'altitude (creux multiples) favorisant les ascendances. De plus, étant parallèle au flux de nord-est, la bande pluvieuse a circulé sur notre territoire dans le sens de la longueur (déplacement dit "longitudinal"), affectant ainsi durablement les mêmes régions. L'effet orographique lié au relief de l'Ardenne et des Hautes-Fagnes a certainement constitué un facteur d'intensification supplémentaire.
La dépression et l'occlusion active circulant autour de celle-ci et représentées dans la carte ci-dessous étaient pratiquement figées; un tel contexte est plus connu sous le nom de "blocking". Dans ce cas-ci, il s'agit d'un blocking dépressionnaire avec des pluies soutenues sur les mêmes régions pendant de nombreuses heures (voire plus d'un jour) conduisant à des cumuls de précipitations extrêmes. Lorsque le blocking est de type anticyclonique, il peut, à cette saison, au contraire conduire à des périodes de sécheresse ou à des vagues de chaleur.
Carte montrant la dépression d'altitude centrée sur le sud de l'Allemagne ce jeudi 15 juillet à 14h00, avec le champ de précipitations associé (prévisions du modèle ECMWF). La perturbation pluvieuse très active cirulant autour de la dépression est mise en évidence par des cumuls importants sur le nord-ouest de l'Allemagne, les Pays-bas, la Belgique, et le nord-est de la France.
Les quantités de précipitations dont nous disposons pour l'instant, et relevées entre les 13 et 15 juillet dans l'est et le centre du pays, sont pour la plupart très abondantes et même extrêmes pour certaines. Pour les pluviomètres du SPW MI (Service Public de Wallonie - Mobilité et Infrastructures) de Jalhay (271,5 mm), Spa (217,1 mm) et Neu-Hattlich (189,0 mm), et celui du Mont Rigi de l'IRM (192,4 mm), les quantités relevées en 48h font état d'une période de retour largement supérieure à 100 ans. Le reste des mesures actuellement disponibles, comme visibles sur les cartes ci-dessous, font état de périodes de retour de telles quantités en 24 et 48h de minimum 30 ans.
Sur la deuxième carte, on constate que les quantités relevées pour le 15 juillet dans l'est du pays sont encore de l'ordre de 15 à 30 mm, en plus de ce qui est déjà tombé la veille. Le 15 juillet, une bande longitudinale entre le nord des provinces d'Anvers et du Limbourg et l'est du Hainaut et le sud de la province de Namur, occasionnait de nouveau de fortes quantités de précipitations, touchant plus particulièrement le sud de Bruxelles et une partie du Brabant Wallon.
Cartes provisoires des quantités de précipitations relevées entre les 14 et 15 juillet 8h TL, et entre les 15 et 16 juillet 8h TL
Voici le très long épisode pluvieux observé par notre radar situé à Wideumont, entre les 13 et 15 juillet 2021. Les heures indiquées sont en Temps Universel.
Le Service Public de Wallonie Mobilité et Infrastructures, Département des Voies Hydrauliques, en contact permanant avec l'IRM, est en charge du niveau des cours d'eau et des barrages. Vous pouvez suivre en temps réel l'évolution des avertissements et des situations des crues actuelles via le site infocrue.wallonie.be
Le changement climatique en cause ?
Une étude d'attribution est nécessaire pour faire le lien entre les précipitations extrêmes de ces derniers jours et le changement climatique. Il s'agit d'utiliser des observations et des modèles climatiques pour déterminer dans quelle mesure le changement climatique augmente la probabilité d'un phénomène météorologique extrême spécifique. Bien entendu, l'apparition de ces précipitations extrêmes est conforme à ce que nous pouvons attendre du réchauffement climatique. L'un des mécanismes explicatifs de cette situation est lié au fait qu'une atmosphère globalement plus chaude peut contenir plus de vapeur d'eau, ce qui augmente la quantité d'eau disponible pour produire les précipitations. Dès qu'il pleuvra, l'intensité pourra également en être accentuée
Le G.I.E.C. dès son premier rapport en 1990 avertissait des effets dévastateurs de l'accentuation des deux extrêmes du cycle hydrologique due à l'effet de serre, c'est-à-dire, plus d'épisodes de pluies extrêmement abondantes et plus de sécheresses prononcées...
Nos pensées vont aux sinistrés et aux familles des victimes de ces jounées dramatiques.
