Avec le réchauffement climatique, les phénomènes extrêmes deviennent plus fréquents et plus intenses partout dans le monde. Mais qui sera le plus exposé dans les décennies à venir, et pourquoi ? Une nouvelle étude menée par l'Institut Royal Météorologique de Belgique (IRM), l'Université de Gand, l'Université d'Anvers et l'Université d'Alabama répond à cette question en comparant l'exposition future à quatre risques : les inondations, les vagues de chaleur, les sécheresses et les événements combinés de chaleur et de sécheresse (lorsque la chaleur et la sécheresse coïncident).
L'étude montre que les populations des pays à faible revenu seront plus exposées aux phénomènes climatiques extrêmes que celles des pays riches, et que cette inégalité est principalement due à la croissance démographique plutôt qu'au seul changement climatique.
Les pays à faible revenu seront les plus touchés par les phénomènes météorologiques extrêmes
Les pays à faible revenu sont particulièrement vulnérables aux vagues de chaleur, aux sécheresses et aux inondations, en raison d’infrastructures insuffisamment développées, d’un accès limité aux services essentiels, de l’absence de systèmes d’alerte précoce multirisques et de stratégies de réduction des risques de catastrophe peu efficaces. Ces facteurs compromettent leur capacité à anticiper, à faire face et à se remettre de ces événements extrêmes. Les pays à revenus élevés, avec leurs capacités institutionnelles et individuelles plus solides, seront mieux à même de s'adapter aux tendances du réchauffement que les pays à faibles revenus.
Il est important de noter que l'écart varie en fonction du risque et de l'intensité des événements. C'est pour les vagues de chaleur que l'inégalité est la plus grande ; pour les épisodes de chaleur et de sécheresse combinés, elle est plus faible car ces événements augmentent presque partout, ce qui réduit la différence relative entre les groupes de pays.
Inégalité dans les changements prévus de l'exposition de la population à des événements extrêmes de différentes gravités dans divers scénarios futurs. Les graphiques montrent la différence entre les changements prévus de l'exposition de la population à des événements extrêmes dans les pays à faible revenu et ceux à revenu élevé, les valeurs positives indiquant une exposition plus élevée dans les pays à faible revenu.
D'abord, l'exposition augmente presque partout dans le monde, mais l'ampleur varie selon le risque. D'ici la fin du siècle, la part des pays dont l'exposition aura augmenté sera de 71 à 83% pour les inondations, de 99 à 100% pour les vagues de chaleur, de 59 à 74% pour les sécheresses et de 83 à 91% pour les événements combinés de chaleur et de sécheresse (selon le scénario et la gravité). Cette augmentation généralisée est la plus prononcée pour les vagues de chaleur et les événements combinés de chaleur et de sécheresse.
Ensuite, les inégalités en matière d'exposition sont évidentes et souvent importantes. Les vagues de chaleur présentent les inégalités les plus importantes entre les groupes de revenus, tandis que les épisodes combinés de chaleur et de sécheresse présentent les inégalités les plus faibles. Pour les inondations et les vagues de chaleur, les inégalités restent importantes quelle que soit la gravité et le scénario ; pour les sécheresses et les épisodes combinés, leur importance dépend du scénario et de la gravité. Il est à noter que les inégalités diminuent généralement à mesure que les événements deviennent plus extrêmes.
La croissance démographique : principal facteur d’inégalité
Qu'est-ce qui explique ces inégalités ? Principalement la croissance démographique. L'inégalité d'exposition a été définie comme la différence entre les changements prévus dans l'exposition de la population entre les pays à faible revenu et ceux à revenu élevé. Dans la plupart des cas, la contribution démographique est prépondérante, même si elle diminue dans les cas les plus extrêmes, où le signal climatique est plus fort.
Les pays à faible revenu devraient connaître une croissance démographique nettement plus élevée, ce qui entraînera une augmentation du nombre de personnes vivant dans des zones à risque. Les taux de fécondité élevés dans ces pays laissent présager une population plus jeune, exposée aux risques climatiques pendant l’ensemble de leur vie.
Par exemple, la croissance démographique représente environ 54 à 81% de l'inégalité d'exposition pour les vagues de chaleur modérées (selon le scénario), 46 à 75% pour les vagues de chaleur sévères et 19 à 40% pour les vagues de chaleur extrêmes ; pour les sécheresses, elle explique environ 53 à 82% (modérées), 48 à 77% (sévères) et 46 à 75% (extrêmes).
Enfin, les choix de développement comptent. Les inégalités sont les plus élevées dans le scénario de développement plus lent et plus fragmenté et les plus faibles dans le scénario de développement durable et inclusif. Pour les vagues de chaleur, les inégalités d'exposition dans le premier scénario cité sont 4 à 9 fois plus importantes que dans le second scénario cité, selon la gravité.
Coopération et soutien au niveau mondial
Face à ces inégalités d’exposition, la COP27 a décidé de créer un fonds pour aider les pays en développement à compenser les pertes et dommages causés par les phénomènes climatiques extrêmes. Cet accord représente une étape cruciale dans la lutte contre les impacts disproportionnés du changement climatique sur les communautés les plus pauvres du monde et souligne le besoin urgent d’une coopération et d’un soutien mondiaux.
Hossein Tabari, scientifique à l’IRM : « Cette étude fait avancer la recherche sur le climat en donnant une vue d'ensemble unifiée et mondiale des inégalités en matière d'exposition future aux inondations, aux vagues de chaleur, aux sécheresses et aux événements combinés de chaleur et de sécheresse, et en quantifiant les rôles relatifs de la croissance démographique et du changement climatique dans ces inégalités. Comme l'analyse est harmonisée entre les risques, les degrés de gravité et les voies de développement, elle donne aux décideurs des mesures comparables pour évaluer les progrès et voir comment différents choix de développement changent les résultats en matière d'équité. »
Méthodologie
Les auteurs ont combiné de grands ensembles de modèles climatiques et hydrologiques avec des projections démographiques mondiales. Les vagues de chaleur, les sécheresses et les événements combinés de chaleur et de sécheresse ont été quantifiés à l'aide de 26 modèles climatiques mondiaux CMIP6 dans le cadre de multiples scénarios socio-économiques partagés (SSP). L'exposition aux inondations a été évaluée à l'aide de sept modèles hydrologiques mondiaux issus du projet ISIMIP. L'exposition a été définie comme le produit de la probabilité d'un événement et du nombre de personnes touchées, et les résultats ont été regroupés selon les catégories de revenus des pays établies par la Banque mondiale.
Plus d'informations
Lire l'article (Nature Communications) : https://www.nature.com/articles/s41467-025-63385-3
Contact : Hossein Tabari (hossein.tabari@meteo.be ; hossein.tabari@uantwerpen.be)